le carrousel

Le carrousel

Sans malice
je te le dois.
Voici mon fils
ce que je vois :
   
La Terre est un carrousel gratuit,
une grande pièce à l'air libre vaquant,
qui se vide, qui se remplit,
où nous nous orchestrons passants.

Un cortège de vies pas cher payées,
au carrousel pas d'enclume pour amarrer.

Mon enfant,
rien de personnel à l'entrée,
ni mal, ni bien,
rien à porter,
de l'air et « de rien » ;
et le carrousel tourne
enfourche, enfourne
l'enfance instruite,
préparée, préparant
la grande course-poursuite.
Bienvenu sur Terre
et au diable le mal de ciel,
pauvres nostalgiques des dieux,
plus de billet préférentiel
pour les cieux.
Tous disparus sans détour :
un jour de nez en l'air,
jour de Babel,
un jour naquit naguère.
Plus de couloir à nuages.
Première vision
de premiers visages
aux yeux ronds.
Au carrousel tu nais,
au carrousel tu respires
de l'air et de rien
pousse un premier soupir
d'une première bouffée.
On ne sait plus d'où l'on vient.

Voici ta naissance,
l'arborescence.
De la lignée
de l'arbre planté,
tu es la dernière branche
sur laquelle, peut-être,
on accrochera une balançoire.
Tu verras l'été à ses soirs
où des nuits blanches
se conduisent en poètes.
Tu verras le jour à ses minuits
où tous seront endormis.
Mais toi tu feras soleil,
caché dans la marge,
au grand large,
tu feras merveille.
La vie est là,
toi, tu es là,
accommodez-vous,
le monde est un peu fou.

Car parfois je te le dis mon enfant,
le carrousel est mécontent.
Frappé d'horreur au foie.
Le bleu du ciel écaillé.
Avalanche, cataclysme, ouragan,
des jupons qu'on croirait éventrés.
C'est le mal du monde,
un numéro dans une ronde.
Le facteur n'est pas passé,
à force de vertiges, terrassé.
C'est que le carrousel
apporte parfois de ces nouvelles
qu'on croirait inhumaines,
rouge sang, souches vaines.

Mais toi reste allongé.
Surtout ne bouge pas.
Reste allongé,
le monde vacille pour toi,
toujours un peu baigné de vent,
toujours un peu tremblant.

Le carrousel est cette terre
que je voudrais te montrer,
Amadeus, carence de lumière
que je ne peux combler.  
Mais je sais, viendra un jour
où de cette magie nous ferons les tours
et les détours
sur ce carrousel gratuit,
cette grande pièce à l'air libre vaquant,
qui se vide, qui se remplit,
et d'où je t'écris mon enfant.